A. Introduction :

Dans un document codex préparé par la Norvège en 1993 et relatif à l’examen de l’étiquetage des allergènes potentiels dans les aliments, on ne trouve pas de classification bien spécifique. Les seules informations récoltées concernent plutôt les terminologies employées. En effet, au lieu d’utiliser le terme collectif réactions adverses aux aliments pour indiquer à la fois l’allergie et l’intolérance / la pseudo-allergie, la Commission du Codex Alimentarius préfère employer le mot hypersensibilités. En 1999, Taylor (USA) a développé une classification surtout utilisée en Amérique du Nord et publiée dans un document FAO (ALICOM 99/15) : Une sensibilité alimentaire est une réaction physiologique anormale à un aliment particulier. Ce même aliment peut être absorbé sans risque par la vaste majorité des consommateurs. Ces sensibilités alimentaires peuvent être divisées en deux catégories principales : les allergies alimentaires et les intolérances alimentaires.

Les allergies alimentaires sont des réactions anormales du système immunitaire à certains composants des aliments. Les allergènes présents dans les aliments sont généralement des protéines naturelles. Les véritables allergies alimentaires peuvent être encore divisées en deux catégories : les réactions d’hypersensibilité immédiate et les réactions d’hypersensibilité retardée.

Comme les véritables allergies alimentaires, les intolérances alimentaires affectent un nombre limité de personnes. Elles peuvent être définies comme toute forme de sensibilité alimentaire qui ne met pas en jeu de mécanismes immunologiques. Il existe trois grandes catégories d’intolérances alimentaires : les troubles dus au métabolisme des aliments, les réactions anaphylactoïdes et les réactions idiosyncrasiques.

B. Les sensibilités alimentaires :

Les allergies alimentaires :

L’hypersensibilité immédiate :

Celle-ci correspond à la réaction de type I de Gell et Coombs. En résumé, l’exposition à certains allergènes alimentaires particuliers déclenche la formation d’anticorps Ig E spécifiques par les cellules B qui existent dans de nombreux tissus notamment les voies gastro-intestinales. Les anticorps Ig E se fixent sur les mastocytes dans différents tissus et sur les basophiles dans le sang. A ce point, l’individu affecté est sensibilisé à l’aliment particulier mais aucune réaction allergique ne s’est encore manifestée.

Lors d’une exposition ultérieure à la substance allergisante présente dans l’aliment agresseur, l’allergène interagit avec les anticorps Ig E spécifiques sur la surface du mastocyte ou du basophile stimulant la libération d’une multitude de médiateurs de la réponse allergique dans les tissus et dans le sang.

L’hypersensibilité retardée :

Les réactions d’hypersensibilité retardée sont médiées par les cellules immunitaires liées aux tissus. La maladie coeliaque est le seul exemple décrit de manière détaillée d’une réaction d’hypersensibilité retardée à des aliments. Cette maladie résulte d’une réponse anormale des lymphocytes T dans l’intestin grêle au gluten. Un processus inflammatoire se développe et endommage l’épithélium absorbant de l’intestin grêle. La lésion tissulaire se situe au niveau de l’intestin grêle mais la perturbation du processus d’absorption affecte de nombreuses autres fonctions physiologiques.

Les intolérances alimentaires :

Les troubles dus au métabolisme des aliments :

Ceux-ci proviennent d’anomalies dans la capacité de métaboliser un composant alimentaire. Il s’agit souvent d’anomalies acquises génétiquement. Les meilleurs exemples de troubles alimentaires métaboliques liés à des aliments sont l’intolérance au lactose et le favisme (intolérance à la consommation de fèves ou à l’inhalation du pollen de la plante Vicia fava).

Les réactions anaphylactoïdes :

Elles sont dues à la présence de substances dans les aliments qui conduisent à la libération non immunologique de médiateurs chimiques provenant des mastocytes. Les médiateurs chimiques sont les mêmes que dans les allergies médiées par l’Ig E mais le mécanisme ne fait pas intervenir les anticorps Ig E. Il n’existe que des preuves circonstancielles à l’appui de l’implication de ce mécanisme dans les sensibilités alimentaires. On suppose que certaines substances chimiques d’origine alimentaire sont capables de déstabiliser les membranes des mastocytes et permettent la libération spontanée de l’histamine et d’autres médiateurs. Cependant, aucune de ces substances capables de libérer l’histamine n’a été identifiée.

Les réactions idiosyncrasiques :

Ce sont des réactions graves provoquées par des aliments chez certains individus selon un mécanisme que l’on ignore. Dans quelques cas, le rôle des aliments dans un type spécifique de réaction idiosyncrasique est appuyé par une documentation détaillée. L’asthme induit par les sulfites est un bon exemple d’une idiosyncrasie alimentaire bien établie.

Autre :

L’empoisonnement à l’histamine :

Celui-ci n’est pas une réelle sensibilité alimentaire car elle peut affecter toutes les personnes et résulte de l’ingestion d’aliments contenant de fortes quantités d’histamine. La confusion provient de ce que l’empoisonnement à l’histamine déclenche des symptômes de type allergique.

 

Moneret-Vautrin, après de nombreuses observations cliniques, a classé les pathologies alimentaires en quantitatives et qualitatives parmi lesquelles nous retrouvons les réactions immunes et non immunes :

{slimbox images/stories/dossier_scien/pathoalim.png,images/stories/dossier_scien/pathoalim_mini.gif,Classification française}

A. Les pathologies alimentaires quantitatives :

 

Ce sont les maladies induites par les excès ou les carences alimentaires.

B. Les pathologies alimentaires qualitatives :

Celles-ci comprennent la toxicité, les intolérances alimentaires enzymatiques, ainsi que les réactions immunes (= allergies alimentaires) et non immunes (= fausses allergies alimentaires ou réactions pseudo-allergiques).

La toxicité alimentaire :

cf. plus haut

Elle peut être de quatre types :
    1. Aiguë : certains champignons peuvent être responsables d’intoxications dont la plupart (40 %) nécessitent une hospitalisation, le plus souvent de 24 heures, s’il s’agit d’un syndrome résinoïdien (douleurs violentes, nausées, vomissements, diarrhées, possible déshydratation) ou muscarinien (hypersécrétions, troubles digestifs, myosis et bradycardie), durable s’il s’agit d’un syndrome proximien (avec insuffisance rénale) ou phalloïdien (avec hépatotoxicité). (cf. tableau 3)

Tableau 3 : Illustration des intoxications par les champignons

Source : De Haro L., « Intoxications par champignons », Alim’Inter, le journal de l’allergie alimentaire, CICBAA, volume 5, n° 27, novembre 2000, p 21.

  1. A long terme : la consommation fréquente de fruits tropicaux, ou d’infusions à partir des fruits de la famille des Annonacées (Annona muricata – corossol épineux, Annona squamosa – pomme cannelle, Annona reticulata – cœur de bœuf) peut induire à longue échéance un faux Parkinson (les symptômes sont identiques à ceux rencontrés dans la maladie de Parkinson mais des examens cliniques prouvent qu’il ne s’agit pas de cette pathologie). Ces fruits sont couramment consommés en raison de leurs propriétés sédatives (et pour certains, aphrodisiaques ou purgatifs…) malgré leur neurotoxicité. Après la cessation de ces consommations, l’état général des patients s’améliore de manière plus ou moins rapide !
  2. Carcinogénique :les dioxines et leurs apparentés : les dibenzofuranes polychlorinées (PCDF) et les dibenzo-p-dioxines (PCDD) sont, parmi les agents chimiques fabriqués par l’industrie,les plus puissants carcinogènes reconnus. Ils sont présents dans tout l’environnement et si la concentration peut en être estimée basse, elle est modifiée tout au long de la chaîne alimentaire, passant du sol aux poissons, ou aux aliments pour animaux, de là aux produits carnés et laitages, pour atteindre un maximum chez l’homme. C’est pourquoi un groupe de travail multi-disciplinaire de l’Union Européenne a proposé de limiter les taux de PCDD/F de l’alimentation animale (pour poulets et porcs) à un taux tel (2 pg d’ET/g d’aliment animal), que le consommateur, consommant jusqu’à 300 g de viande par jour, ne pourrait dépasser une DJA (dose journalière admissible) de 4 pg d’équivalent toxique par kilo de poids. Cette DJA a été fixée en 1998 par l’OMS.
  3. Due à la mutagénèse : l’ajout d’un gène nouveau dans une plante peut provoquer une perturbation non désirée de son métabolisme : l’insertion du transgène (on parle de « mutagénèse insertionnelle ») peut rendre d’autres gènes inactifs, ou au contraire stimuler le fonctionnement de certains autres gènes. Un risque toxicologique peut apparaître lorsque la transgénèse conduit à la production de substances toxiques nouvelles ou à la stimulation de la production des toxines naturellement présentes mais en faible quantité dans les aliments traditionnels, comme c’est le cas de la solanine de la pomme de terre ou encore de l’acide érucique du colza.

Les fausses allergies alimentaires :

Celles-ci miment cliniquement les réactions allergiques mais ne répondent pas à un mécanisme immunitaire. Les fausses allergies alimentaires peuvent être classées en trois groupes :

Les intolérances aux amines biogènes :

Les amines biogènes peuvent être responsables d’accidents toxiques. L’histamine présente en quantité excessive dans certains aliments est incriminée dans la genèse de ces accidents toxiques. Le poisson en particulier peut être riche en histamine si le circuit de distribution commerciale ne livre pas un poisson parfaitement frais. L’histamine résiste à de hautes températures, si bien qu’elle ne peut être détruite par la cuisson. Physiologiquement, il existe des systèmes de neutralisation et de catabolisme de l’histamine et des amines biogènes très efficaces au niveau du tube digestif.

L’intoxication par la tyramine a été décrite chez les patients sous traitement par inhibiteurs de la monoamine-oxydase lors de l’ingestion de fromage du fait du blocage de la dégradation enzymatique normale de cette amine.

Les sujets présentant une fausse allergie alimentaire se caractérisent par une anormale susceptibilité vis-à-vis d’amines biogènes à des doses parfaitement tolérées par le sujet normal.

Les accidents liés à la libération non immunologique par les mastocytes muqueux intestinaux de médiateurs chimiques :

L’ingestion de certains aliments peut entraîner des accidents pseudo-allergiques par histaminolibération non spécifique. La fraise est certainement le fruit le plus incriminé. Le chocolat, le blanc d’œuf et plus particulièrement l’ovomucoïde sont histaminolibérateurs. Les crustacés (crevette), le poisson, le porc, la tomate le sont également. Certains fruits exotiques

comme l’ananas et la papaye contiennent des protéases (broméline et papaïne) qui sont histaminolibératrices. Les pois, le soja, les haricots, les lentilles, les fèves, l’arachide, les noix, les céréales… contiennent des lectines pouvant provoquer une histaminolibération non spécifique.

Les accidents répondant à d’autres mécanismes :

Ce groupe de pseudo-allergie alimentaire est en relation avec des mécanismes variés, souvent mal connus :
Interférence avec les voies métaboliques de l’acide arachidonique : Certaines substances comme les métabisulfites, l’acide benzoïque, les colorants azoïques,… pourraient agir en interférant avec le métabolisme de l’acide arachidonique.
Interférence avec les processus de neurotransmission : Ces interférences peuvent se situer au niveau du système nerveux central ou périphérique. Le syndrome du restaurant chinois est lié à l’interférence du glutamate avec la synthèse de neurotransmetteurs. Le glutamate de sodium serait susceptible d’interférer avec les neurones glutamergiques comme avec les neurones inhibiteurs GABAergiques, l’acide glutamique étant le précurseur de l’acide gamma-aminobutyrique. L’acide glutamique et le sodium sont également les précurseurs de synthèse de l’acétylcholine. De fortes doses de glutamate pourraient favoriser une synthèse excessive d’acétylcholine. Les métabisulfites peuvent induire la stimulation des récepteurs d’irritation épithéliaux bronchiques. Ils libèrent de l’anhydride sulfureux en milieu acide qui induit un réflexe vagal, provoquant chez certains asthmatiques une bronchoconstriction immédiate.
Perturbations des activités enzymatiques : Les phénomènes d’inhibition enzymatique auront probablement une part croissante dans la physiopathogénie des réactions adverses aux aliments. Ainsi on a postulé le rôle d’antioxydants comme le nitrite de sodium, la vanilline, le butylhydroxytoluène (BHT) et le butylhydroxyanisole (BHA) comme étant des inhibiteurs de la diamine-oxydase. Ces substances peuvent interférer de cette façon avec le métabolisme de l’histamine. Certains additifs (métabisulfites) peuvent exercer des actions pharmacologiques excessives en raison d’un déficit enzymatique préexistant.
   
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