L’Académie Européenne de l’Allergie et de l’Immunologie Clinique a présenté un document de référence (Position Paper of the European Academy of Allergy and Clinical Immunology – EAACI - Subcommittee on Adverse Reactions to Food) avec une classification pour les réactions adverses (défavorables) aux aliments, développé sur base d’un manuel Américain (« Adverse reactions to food » - American Academy of Allergy and Clinical Immunology - 1984). En voici le principe général :

{slimbox images/stories/dossier_scien/reacadverses_eu.png,images/stories/dossier_scien/reacadverses_eu_mini.gif,Classification européenne - Les réactions adverses toxiques et non toxiques}

Les réactions adverses ou défavorables aux aliments sont de deux types : toxiques et non toxiques.

 

A. Les réactions alimentaires toxiques :

Elles atteignent toute personne qui ingère une quantité suffisante (seuil de non-toxicité dépassé) d’un aliment contenant une ou plusieurs substances potentiellement dangereuses lorsqu’elles sont absorbées. Ces substances peuvent être naturellement présentes dans la denrée alimentaire (cyanure, atropine, amines vasopressives, solanine, aflatoxines,…) ou être ajoutées dans celle-ci durant sa manipulation ou sa transformation (artisanale ou industrielle) (contaminants – bactéries, moisissures, métaux lourds, pesticides,… - additifs).
La toxicité alimentaire atteint principalement le système nerveux central (maux de tête, hallucinations, incohérence, convulsions), le foie et le sang.

B. Les réactions alimentaires non toxiques :

Ces réactions sont dues à une sensibilité individuelle à certains aliments, c’est-à-dire que seuls des sujets prédisposés seront touchés ! On distingue parmi celles-ci les réactions immunologiques (médiées par l’immunité) et les réactions non immunologiques (non médiées par l’immunité).

Les réactions immunologiques :

On utilise couramment le terme « allergie alimentaire » lorsque l’on parle des réactions médiées par l’immunité.
L’allergie alimentaire correspond le plus souvent à des manifestations cliniques provoquées par l’intervention des anticorps de classe IgE (Immunoglobuline E) à la suite de l’ingestion d’un allergène alimentaire.

D’autres mécanismes ont été invoqués, impliquant l’intervention :
d’immunoglobulines autres que les IgE (le plus souvent, ce sont des IgG spécifiques) ;
de complexes immuns ;
d’une immunité à médiation cellulaire dirigée contre les aliments.

Les réactions médiées par les immunoglobulines E (IgE) :

La réaction de type I, médiée par les IgE spécifiques, est la plus fréquente, la mieux connue et la plus facile à diagnostiquer. Elle implique la présence, dans le sang, d’anticorps IgE spécifiques à une substance ou un aliment. Cependant, une allergie médiée par les IgE ne peut être clairement diagnostiquée que lorsque la relation entre l’ingestion d’un aliment particulier et l’apparition de symptômes est bien établie ! Pour exclure les facteurs psychologiques et les « préjugés » des médecins et des patients, la meilleure façon de diagnostiquer une allergie alimentaire est d’employer un test de provocation en double aveugle, contrôlé par placebo (DBPCFC – double-blind placebo-controlled food Challenge).

Les symptômes de l’allergie alimentaire sont très variés : l’anaphylaxie (voir page 50) (parfois anaphylaxie d’effort), les manifestations cutanées (urticaire et angio-œdème, dermatite atopique, dermatite de contact,…), les manifestations respiratoires (rhinite, œdème laryngé, asthme,…), les troubles gastro-intestinaux (syndrome allergique oral, coliques infantiles, nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales,…) et, d’une manière moins évidente, les manifestations neurologiques (hyperactivité, dépression, migraine).

Les réactions non médiées par les immunoglobulines E (IgE) :

Comme nous l’avons précédemment cité, les allergies alimentaires sont la conséquence d’une réponse immune pouvant mettre en cause des Ig autres que les IgE (type II), des complexes immuns (type III) ou la médiation cellulaire (type IV). Ces mécanismes peuvent intervenir isolément ou être associés.

Remarques :

  1. Des IgG4 spécifiques sont fréquemment présents chez les patients présentant des réactions défavorables aux aliments, mais ces anticorps sont aussi souvent détectés chez les sujets normaux ou chez des patients souffrant d'une pathologie intestinale inflammatoire. De plus, leur rôle pathogénique n’a pas été démontré ! Leur présence est probablement la conséquence d’une exposition prolongée à des antigènes ubiquitaires.
  2. Des complexes immuns IgG et IgE ont été découverts chez des patients trophallergiques souffrant d’asthme et d’eczéma, mais leurs rôles pathophysiologiques ont rarement été démontrés de façon claire et évidente !
  3. La maladie coeliaque s’exprimerait par une allergie alimentaire par médiation cellulaire dirigée contre la gliadine (prolamine contenue dans le gluten). Il semblerait que les lymphocytes T soient impliqués dans la pathogénèse de cette maladie, bien qu’il n’existe aucune preuve concrète que ces mécanismes immuns en soient la cause directe.
    Une représentation d’une variante TCR (« T cell receptor ») des lymphocytes présents dans la muqueuse intestinale a été trouvée, suggérant un rôle pour ces cellules dans la maladie. Certaines expériences ont montré que les dégâts intestinaux provoqués par l’immunité sont semblables à ceux provoqués dans la muqueuse intestinale par les réactions de rejet de greffe.
    De même, le rôle des anticorps antigliadine IgA et IgG n’est pas encore clairement démontré. Une représentation d’une variante TCR (« T cell receptor ») des lymphocytes présents dans la muqueuse intestinale a été trouvée, suggérant un rôle pour ces cellules dans la maladie. Certaines expériences ont montré que les dégâts intestinaux provoqués par l’immunité sont semblables à ceux provoqués dans la muqueuse intestinale par les réactions de rejet de greffe. De même, le rôle des anticorps antigliadine IgA et IgG n’est pas encore clairement démontré.

Les réactions non immunologiques :

Celles-ci sont regroupées sous le terme « intolérances alimentaires » et sont de trois types :
enzymatiques ;
pharmacologiques ;
indéfinissables.

Les intolérances alimentaires enzymatiques :

Elles atteignent les personnes présentant un déficit enzymatique, provoquant des réactions défavorables à certains aliments ou additifs alimentaires.

Les déficiences enzymatiques les plus courantes concernent :
les disaccharidases (lactase, sucrase),
la galactose–1-phosphate-uridyl-transférase, ou encore l’uridine diphosphate-4-épimérase (? galactosémie),
la phénylalanine hydroxylase (->phénylcétonurie),
l’aldéhyde déhydrogénase (-> intolérance à l’alcool),
la glucose-6-phospho-déhydrogénase (G6PD) (? favisme),
la diamine-oxydase (? intolérance probable aux aliments contenant de l’histamine).

A l’exception de la déficience en lactase, les intolérances alimentaires enzymatiques sont rares.

Les intolérances alimentaires pharmacologiques :

Les principales substances responsables de ce type d’intolérance sont :
les amines vasoactives telles que l’histamine (dans les aliments fermentés, les boissons alcoolisées, le poisson en conserve, la choucroute, le thon, la saucisse,…), l’octopamine, la phényléphrine, la tyramine (dans le raisin, les pommes de terre, le chou), la phényléthylamine (dans le chocolat), la tryptamine (dans la tomate), la 5-hydroxytryptamine (dans la banane et l’avocat), la spermidine (dans le porc et les germes de céréales);
les aliments histaminolibérateurs comme le blanc d’œuf, les mollusques et crustacés, les fraises, les tomates, le chocolat, les agrumes, le poisson et le porc : des facteurs présents dans les denrées alimentaires peuvent provoquer des réactions pharmacologiques indirectes lors de leur libération (prolamine, peptides basiques, diamines et polyamines, peptones) ;
les additifs alimentaires.

Les intolérances alimentaires indéfinissables :

Certaines réactions sont dites indéfinissables car leur mécanisme d’action n’a pas encore été totalement élucidé. On reprend dans ce groupe les réactions adverses aux additifs. Remarque : il convient de mentionner l’aversion alimentaire non reprise dans la classification de l’EAACI étant donné que c’est une réaction psychosomatique ne dépendant pas réellement de l’aliment mais étant reliée à un trouble mental primaire. De plus, c’est une réaction non reproductible lorsque l’aliment incriminé est présenté sous une autre forme. En réalité, un grand nombre de personnes, s’imaginant être allergiques, appartiennent à cette catégorie, et continuent d’éviter l’aliment responsable de leurs troubles sans suivi diététique, ce qui peut parfois engendrer des conséquences nutritionnelles néfastes (carences alimentaires) !

En 2001, l’EAACI a publié une révision de la nomenclature dont voici les points essentiels : le mot « hypersensibilité » doit être utilisé comme terme parapluie ; le mot « allergie » doit être réservé pour les réactions cliniques dans lesquelles un mécanisme immunologique est prouvé ou fortement impliqué. L’EAACI a également proposé que le terme « atopie » soit utilisé pour décrire une tendance familiale ou personnelle à développer des IgE spécifiques aux allergènes environnementaux, et à souffrir de symptômes allergiques typiques. Le schéma suivant illustre les différents aspects de l’hypersensibilité :

{slimbox images/stories/dossier_scien/hypersen.png,images/stories/dossier_scien/hypersen_mini.gif,Classification européenne - Hypersensibilité allergique et non-allergique}

L’hypersensibilité provoque des symptômes ou des signes, reproductibles objectivement, dus à l’exposition à une dose définie d’un stimulus toléré chez les sujets normaux. Cette définition n’implique pas les réponses classiques aux infections, à l’auto-immunité ou aux réactions toxiques. Il est important d’insister sur le fait que les réactions d’hypersensibilité sont reproductibles dans le sens qu’il existe des preuves raisonnables d’histoire, d’examen ou de recherche d’un lien entre les symptômes et les facteurs environnementaux pour lesquels les patients attribuent leurs symptômes. Dans ce contexte, « reproductible » ne signifie pas, par exemple, qu’un test de provocation alimentaire doit être positif à chaque fois. Bien plus, l’hypersensibilité doit être distinguée de l’hyperréactivité, qui est une réponse normale exagérée à un stimulus. L’EAACI propose d’utiliser l’expression « hypersensibilité non-allergique » lorsque des mécanismes immunologiques ne peuvent pas être prouvés, comme dans l’hypersensibilité à l’aspirine.

L’atopie est une tendance personnelle ou familiale à produire des IgE en réponse à de faibles doses d’allergènes, habituellement des protéines, et à développer des symptômes typiques tels que l’asthme, la rhinoconjonctivite ou l’eczéma/dermatite. Le terme « atopie » ou « atopique » devrait être réservé pour décrire ces aspects cliniques et une prédisposition, et non pour décrire les maladies. Ni un prick test cutané positif, ni la présence d’anticorps IgE ne sont des critères d’atopie.

L’allergie est une réaction d’hypersensibilité induite par des mécanismes immunologiques. L’allergie peut être médiée par des anticorps ou des cellules. Chez la plupart des patients, les anticorps typiquement responsables d’une réaction allergique sont de type IgE et ces patients sont dits souffrir d’allergie médiée par IgE. Dans l’allergie non médiée par IgE, les anticorps peuvent être de type IgG (cf. Classification de Gell et Coombs – types II et III). L’inhalation de grandes quantités de protéines comme dans les moisissures, la poussière… stimule le système immunitaire et produit des anticorps principalement de type IgG, IgA et IgM. Il existe une relation entre le degré d’exposition et la concentration en anticorps. Certaines personnes qui inhalent de grandes quantités de moisissures ont un taux d’IgG élevé. L’EAACI propose que les allergies non médiées par les IgE soient divisées en 2 groupes : celles qui sont médiées par des anticorps autres que les IgE et celles dont la réponse cellulaire est prédominante.

Les allergènes sont des antigènes stimulant l’hypersensibilité médiée par un mécanisme immunologique. La plupart des allergènes réagissant avec les IgE et les IgG sont des glycoprotéines, mais il s’agit parfois d’hydrates de carbone purs.

On parle d’hypersensibilité alimentaire pour décrire une réaction adverse aux aliments. Lorsque des mécanismes immunologiques ont été démontrés, le terme approprié est « allergie alimentaire ». Toutes les autres réactions, correspondant aux intolérances alimentaires, devraient être reprises sous la dénomination « hypersensibilité alimentaire non allergique ».

   
© ciriha

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