Il est bien difficile de se retrouver dans toute la nomenclature qui définit une réaction adverse à la suite d’une ingestion alimentaire. Cependant, pour une meilleure compréhension des différences entre une intolérance et une allergie, les deux termes ont été définis ci-après.
Définition d'une allergie alimentaire
L’allergie alimentaire est définie selon Burks comme étant « une réaction qui se produit suite à l’ingestion d’un aliment ou d’un additif alimentaire. Cette réaction apparaît chez certaines personnes seulement, peut apparaître après ingestion d’une quantité minime de la substance suivant les personnes et n’est en relation avec aucun effet physiologique que pourrait avoir cette même substance (Burks, W. and Ballmer-Weber, B.K., 2006)». C’est en quelque sorte une réaction de défense à une attaque inexistante.
Une allergie alimentaire ou réaction d’hypersensibilité allergique alimentaire est une réaction secondaire indésirable à un aliment chez un individu sensible, responsable de symptômes objectivement reproductibles, provoqués par l’exposition à un allergène alimentaire défini à une dose tolérée par des sujets normaux et initiée par des mécanismes immunologiques (Johansson, S.G., 2009; Jackson et al., 2003).
L’hypersensibilité alimentaire reprend 2 types de réactions : dépendantes ou non des immunoglobulines E (Ig-E) (Johansson, S.G. et al., 2001).
Un allergène alimentaire est un antigène causant une allergie alimentaire (Johansson, S.G., 2009). Les allergènes alimentaires ou trophallergènes sont en général des glycoprotéines hydrosolubles, relativement stables à pH acide, à la chaleur et aux protéases (Sicherer, S.H. and Sampson, H.A., 2010). Un aliment contient des centaines de protéines, dont une dizaine à une quarantaine se révèle allergénique. Les allergènes reconnus par les IgE spécifiques de plus de 50 % des sujets sensibilisés à l’aliment sont dits majeurs. La sensibilisation alimentaire peut se produire par différentes voies : digestive, respiratoire ou cutanée (Moneret-Vautrin, D.A. et al., 2006).
La raison pour laquelle certaines protéines sont allergéniques et d’autres pas est encore peu connue (Asero, R. et al., 2007).
L’allergie IgE-dépendante, aussi appelée « hypersensibilité immédiate ou de type I », possède un mécanisme mieux compris que celui de l’allergie non IgE-dépendante. Cette allergie est facilement diagnostiquée car les symptômes apparaissent en un laps de temps beaucoup plus court allant de quelques minutes à 1 heure (Crittenden, R.G. and Bennett, L.E., 2005). Les symptômes liés à une hypersensibilité retardée peuvent apparaître 1 heure à plusieurs jours après ingestion de la substance allergène (Sabra, A. et al., 2003).
Mécanisme de l’allergie IgE-dépendante
- Le processus allergique est un mécanisme réparti en deux étapes :
- Lors de l’ingestion d’un aliment, il y a sensibilisation du corps à la substance étrangère (l’allergène alimentaire). La réponse se traduit par la production excessive d’anticorps IgE spécifiques de l’allergène par les plasmocytes . (Crittenden, R.G. and Bennett, L.E., 2005; Asero, R. et al., 2007).
- Lors d’une exposition future, les allergènes arrivent au niveau de la muqueuse du tube digestif. Il y a alors activation des cellules appelées mastocytes . Ceux-ci possèdent à leur surface des récepteurs aux anticorps IgE. Cette activation se traduit par une libération d’histamine qui est un médiateur puissant de l’inflammation amenant à des symptômes cutanés (eczéma, urticaire), gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhée, syndrome allergique oral) et/ou respiratoires (rhino conjonctivite, asthme) (Crittenden, R.G. and Bennett, L.E., 2005; Asero, R. et al., 2007; Burks, W. and Ballmer-Weber, B.K., 2006)
Il est à remarquer que la sensibilisation peut être effectuée par une exposition respiratoire, et non alimentaire, à un épitope ou déterminant antigénique commun entre un allergène respiratoire et un allergène alimentaire (Bidat, E. and Loigerot, C., 2002).
Mécanisme de l‘allergie IgE – non dépendante
Cette hypersensibilité retardée est de mécanismes immuno-pathologiques encore bien peu connus (Allen, K.J. et al., 2006). Cependant, il semblerait qu’un bon nombre de ces mécanismes fassent intervenir la réaction de cellules lymphocytes Th1 dépendantes, d’éosinophiles, la formation de complexes immuns amenant à l’activation de Complement (Host, A. et al., 1995) (Host, A. et al., 1995), des interactions entre cellules T-Mastocytes ou des interactions celluleneurone favorisant des changements fonctionnels dans l’action du muscle lisse et la motilité intestinale (Crittenden, R.G. and Bennett, L.E., 2005; Vanto, T. et al., 2004; Cianferoni, A. and Spergel, J.M., 2009). Elle affecte principalement la muqueuse gastro-intestinale (Jyonouchi, H., 2008).
Le taux élevé de guérison de cette allergie durant l’enfance et, à l’inverse, le nombre important d’adultes présentant une allergie non IgE-dépendante laissent supposer que ce type d’hypersensibilité alimentaire tend à se développer plus tard dans la vie (Stenton, G.R. et al., 1998).
Définition d’une intolérance alimentaire et intolérance au lactose
Une intolérance est définie, selon le dictionnaire médical, comme « une réaction anormalement intense de l’organisme à l’égard d’une agression quelconque (substance médicamenteuse, agent physique ou chimique,...) » (Quevauvilliers, J. and Fingerhut, A., 2001). C’est un terme général qui décrit une réponse physiologique anormale à l’ingestion d’un aliment ou d’un additif (dans ce cas, le lactose). Cette réaction ne semble pas être allergique ni même immuno-dépendante (Host, A. and Halken, S., 1990b; Burks, W. and Ballmer-Weber, B.K., 2006; Ortolani, C. and Pastorello, E.A., 2006)(Host, A. and Halken, S., 1990b; Burks, W. and Ballmer-Weber, B.K., 2006; Ortolani, C. and Pastorello, E.A., 2006).
L’intolérance au lactose résulte d’une diminution de la capacité à digérer le lactose. Une fois avalé, le lactose se digère dans l’intestin. Pour être absorbé, il doit être hydrolysé en ses deux constituants (le galactose et le glucose) par une enzyme intestinale, appelée « lactase », qui se trouve généralement en quantité abondante dans le jéjunum. Contrairement aux autres enzymes situées en profondeur, celle-ci se retrouve à la pointe des villosités intestinales, raison pour laquelle elle est plus sensible lors de maladies de l’intestin (Vesa, T.H. et al., 2000; Swagerty D. et al., 2002; Wilson J., 2005; Mainguet, P., 2000; Ortolani, C. and Pastorello, E.A., 2006). Les métabolites finaux de la fermentation du lactose par les bactéries coliques sont des acides gras à chaîne courte ou AGCC (principalement de l’acétate, du propionate et du butyrate) et des gaz (CO, H et CH). Les AGCC sont éliminés du côlon par réabsorption colique, utilisation par les colonocytes (butyrate), incorporation dans la biomasse ou excrétion via les selles. Les gaz sont partiellement absorbés dans le sang puis éliminés via les poumons ; le reste est excrété tel quel ou utilisé pour la synthèse d’autres métabolites (He, T. et al., 2008b).
- On distingue 3 types d’intolérances au lactose :
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Hypolactasie primaire
La lactase se retrouve en concentration importante chez le nouveau-né mais une diminution de son activité, irréversible et programmée génétiquement, se produit chez une grande majorité de la population mondiale, ce qui conduit à une malabsorption primaire du lactose (hypolactasie primaire) (Debry G. et al., 2001). Elle apparaît généralement vers l’âge de cinq ans ou plus tardivement et n’est généralement clairement diagnostiquée qu’un peu avant la puberté ou tard dans l’adolescence, suivant les populations (Bahna, S.L., 2002; Vesa, T.H. et al., 2000; Swagerty D. et al., 2002; Dumond P., M.M. et al., 2006). On peut retrouver une persistance de la lactase chez les Caucasiens (Européens et Nord-Américains), qui est due à une mutation qui lève la répression de la lactase. Cette mutation serait une adaptation aux conditions de vie de ces populations (consommation de lait élevée) (Mainguet, P., 2000). -
Hypolactasie secondaire
L’hypolactasie secondaire est la résultante de n’importe quelle condition qui endommage la bordure en brosse de la muqueuse de l’intestin grêle ou qui conduit à la diminution de la surface fonctionnelle de cette muqueuse (résection intestinale, gastrectomie, maladies qui endommagent l’épithélium comme la maladie coeliaque ou une inflammation intestinale induite, par exemple, par l’allergie aux protéines de lait de vache). Cette hypolactasie est donc souvent passagère et réversible. En effet, l’enzyme reprend son activité lorsque l’épithélium se retrouve en bon état. Dans ce type d’hypolactasie, on ne retrouve pas nécessairement les symptômes sévères de l’intolérance (Bahna, S.L., 2002; Vesa, T.H. et al., 2000; Rusynyk R. and Still C., 2001; Dumond P., M.M. et al., 2006; Montalto, M. et al., 2006). -
Déficience congénitale en lactase (Hypolactasie congénitale)
La déficience congénitale en lactase est une maladie autosomique récessive, irréversible mais très rare, qui se présente lorsque l’intestin grêle est incapable de produire la lactase. Cette déficience se manifeste au moment où la mère allaite son enfant pour la première fois (Bahna, S.L., 2002; Vesa, T.H. et al., 2000; Rusynyk R. and Still C., 2001; Dumond P., M.M. et al., 2006; Schirru, E. et al., 2009; Lomer, M.C. et al., 2008).
L’hypolactasie amène à une maldigestion du lactose. Le lactose passe du petit intestin au gros intestin dans sa forme intacte, non hydrolysée. Ce passage peut amener à des symptômes d’intolérance quand le lactose est ingéré en quantité significative selon la tolérance individuelle (Vesa, T.H. et al., 2000; Solomons, N.W., 2002; Mainguet, P., 2000).