Prévalence de l’allergie aux protéines du lait de vache

Introduction

Tout comme lorsqu’on regarde les rapports de la FDA ou de la commission Européenne (Commission Européenne, D.g.I, 1997) sur les allergies alimentaires, peu d’études retrouvées ici sur la prévalence des allergies sont récentes. Etant donné le grand nombre de facteurs influençant le développement de cette pathologie, on peut supposer que les chiffres de son incidence sont en constante augmentation. Cependant, on peut aussi constater que la population perçoit souvent une allergie alimentaire alors que ce n’est parfois qu’une intolérance, une sensibilisation ou un autre phénomène moins ponctuel. Un article de Kirsten Beyer (Beyer, K. and Teuber, S.S, 2005) de 2005 reprend que 20% des individus décrivent une multitude réactions qu’ils pensent être associées à l’ingestion d’aliments.

La situation dans quelques pays

Les données de fréquence de l’allergie sont très différentes d’une étude à l’autre. Plusieurs variables entrent en jeux :
l’origine géographique de la population ;
les habitudes alimentaires de la population ;
la prédisposition génétique des personnes sur lesquelles les tests de diagnostic sont pratiqués ;
l’âge moyen de la population étudiée ;
la méthodologie (questionnaire,...) et/ou test de diagnostic utilisé ;
les critères de diagnostic repris.

Tableau 4 :
Recensement des différentes études traitant de la prévalence de l’APLV

En plus de ces articles, deux revues de littérature ont pu être retrouvées : la première concernant l’incidence, la deuxième, la prévalence.

La première reprend 229 articles concernant l’APLV retrouvés sur Pubmed entre 1967 et 2001. Cette revue indique que l’incidence de l’APLV durant la première année de vie, mesurée au cours de différentes études menées entre 1973 et 1993, varie entre 1,8 et 7,5%, selon les critères de diagnostic et la méthodologie de l’étude. L’auteur retire de cette revue que l’incidence de l’APLV chez les enfants en bas âge est d’approximativement 2 à 3% dans les pays développés (Host, A., 2002).

La deuxième reprend les articles de la prévalence des allergies alimentaires retrouvés sur MEDLINE et EMBASE depuis 1990.

On peut constater que, selon les 5 méthodes de diagnostic utilisées, la prévalence de l’allergie au lait de vache était de valeur variable :
Self-reported food hypersensitivity : la variation de prévalence pour chaque étude allait de 1,2 à 17%.
SPT ou dosage des IgE : l’écart de prévalence était de 0 à 2%.
Test de provocation orale : il y avait une hétérogénéité entre les études basées sur le DBPCFC ou le test de provocation au lait. La prévalence pour le lait variait de 0 à 3%.
SPT et dosage des IgE : la prévalence de la sensibilisation aux IgE variait de 2 à 9%. Les figures équivalentes pour le SPT étaient de 0,2 à 2,5% pour le lait (Rona, R. et al., 2007).

Selon le National Institute of Allergy and Infectious Diseases, la prévalence de l’APLV chez les enfants se situe entre 1,9 et 3,2% (S.N., 2009).

D’après une étude anglaise d’une cohorte d’enfants âgés de 1 à 3 ans entre 2001 et 2002, 5 à 6% de ces enfants souffraient d’une hypersensibilité alimentaire. Les résultats ont été obtenus à partir d’un historique clinique approfondi et de tests de provocation orale. Les 3 aliments le plus souvent incriminés étaient le lait, les oeufs et les arachides (Venter, C. et al., 2008).

D’après l’enquête NHDS – National Hospital Discharge Survey (réalisée en 2007 par le NCHS – National Center for Health Statistics), 3 millions d’enfants Américains (3,9%) souffraient d’une allergie alimentaire (sans détail) (Branum, A.M. and Lukacs, S.L., 2008)..

Hormis les personnes présentant un diagnostic clinique et biologique d’allergie, on constate qu’un grand nombre de personnes avec des symptômes similaires à l’allergie se disent allergiques sans confirmation par des tests cutanés et biologiques.

L’auto perception en chiffres

Certaines recherches suggèrent que les croyances du public concernant les allergies alimentaires sont beaucoup plus élevées que les données de prévalence rapportées dans les études, telles que celles présentées ci-dessus.

En 1994, un questionnaire d’allergies alimentaires a été envoyé dans 15000 foyers anglais ( ~20000 personnes). 47% ont répondu ; 20% des 47% ont rapporté une allergie alimentaire. Sur 93 sujets qui ont subi un DBPCFC, 18 (19%) ont réagi positivement (Young, E. et al., 1994) (Young, E. et al., 1994).

De même, une étude a été entreprise pour déterminer les croyances du public américain concernant les allergies alimentaires en interrogeant une population large et équilibrée démographiquement (7500 ménages).

16,2 - 16,6 - 13,9% respectivement selon les dates de l’étude (1989, 1992, 1993) ont rapporté qu’au moins un individu dans le ménage présentait une allergie alimentaire. En 1989, le lait était l’aliment rapporté comme intervenant dans une allergie alimentaire à 29,3% ; en 1993, à 30,7%. Il semblerait que les personnes rapportant le plus d’allergies au lait dans cette étude soient des femmes (Young, E. et al., 1994).

Une étude (Eggesbo, M. and Botten, G., 2001) réalisée à Oslo sur la validité de la perception des parents concernant l’allergie de leurs jeunes enfants (âgés de 2 ans et demi) permet d’estimer la prévalence de l’allergie aux protéines du lait de vache.

Selon le questionnaire complété par les 2721 familles, les enfants étaient répertoriés selon 3 groupes :
Les enfants dont les parents ont perçu une réaction adverse au lait ;
Les enfants dont les parents n’ont pas perçu de réaction au lait mais bien à d’autres aliments : ce groupe ne nous intéressant pas dans la situation qui nous concerne aujourd’hui ;
Les enfants dont les parents n’ont perçu aucune réaction mais où des réactions chroniques étaient rapportées.

 

Le premier échantillon étudié se constituait d’enfants dont les parents ont perçu une réaction au lait. Les parents ont complété un questionnaire à 12 – 18 et 24 mois. Les parents ont rapporté une réaction adverse au lait pour 98 enfants à l’âge de 2 ans et demi.

Des 90 familles à qui il a été demandé de participer, 60% ont rempli le questionnaire.

Sur les 54 enfants qui ont été examinés :
L’allergie a été confirmée par dosage des IgE chez deux enfants, par test de provocation ouvert chez 2 autres et par DBPCFC chez 7 enfants ;
Dans la troisième population, uniquement un enfant a été détecté par DBPCFC comme allergique au lait de vache.

Une étude menée en Turquie en 2006 a montré une grande différence entre les chiffres rapportés par les parents et les diagnostics confirmés en ce qui concerne les allergies alimentaires IgE-médiées dans une population d’enfants âgés de 6 à 9 ans. Le taux rapporté par les parents et/ou les enfants à l’aide de questionnaires annonçait une prévalence de 5,7% (156 sur 2739 enfants), contre une prévalence d’allergie alimentaire confirmée SPT puis DBPCFC de 0,80% (22/2739) ! Dans ce taux, l’APLV occupait la 2èmeplace, avec une fraction de 18,1% des 22 individus (Orhan, F. et al., 2009).

Une équipe colombienne a publié en 2008 une étude sur l’auto-perception des allergies alimentaires à Cartagena. Sur la sélection randomisée de 3099 individus (âgés de 1 à 81 ans), 14,9% (461) ont rapporté être allergiques à un ou plusieurs aliments. L’enquête a fait ressortir que 44 individus ont rapporté des symptômes d’allergie au lait (1,4% de l’échantillon) (Marrugo, J. et al., 2008).

Une étude finlandaise publiée en 2009 fournit la prévalence des hypersensibilités alimentaires perçues par les parents d’enfants âgés de 1 à 4 ans et des allergies alimentaires diagnostiquées dans la province de South Karelia, en Finlande. L’étude a porté sur tous les enfants appartenant à la tranche d’âge 1-4 ans en 2005 (4851 individus). La prévalence a été mesurée à l’aide de questionnaires adressés aux parents peu avant la visite médicale annuelle ; 70% des parents ont répondu. La prévalence d’allergies alimentaires diagnostiquées était de 9%, plus élevée chez les garçons que chez les filles et plus basse chez les enfants d’1 an que chez les autres. La prévalence d’APLV diagnostiquée et d’hypersensibilité au lait perçue par les parents était de 12,8% (respectivement 6,4 et 6,4%) (Pyrhonen, K. et al., 2009).

En fonction du type de réaction, ces allergies semblent être d’autant plus importantes chez les jeunes enfants et leur fréquence diminue chez les personnes adultes.

Les causes de l’allergie aux protéines du lait de vache sont identiques à celles des autres allergies alimentaires et peuvent être retrouvées dans le dossier général sur les allergies alimentaires.

Tout comme les chiffres de l’allergie aux protéines du lait de vache, ceux de l’intolérance au lactose semblent également augmenter au cours des années.

Prévalence de l’intolérance au lactose

La situation dans quelques pays

Il est très fréquent de retrouver des chiffres dans la littérature concernant la prévalence de l’intolérance au lactose selon les régions géographiques. Cependant, lors des recherches scientifiques, très peu d’articles reprenant l’étude de l’intolérance au lactose dans les différentes populations mondiales ont pu être retrouvés. Le tableau ci-dessous provient du site www.milkprocon.org et reprend les chiffres moyens de ce que l’on retrouve généralement. Par la suite, les différentes études retrouvées à ce sujet ainsi que les résultats seront développés et confrontés à ces données. Il faut aussi garder à l’esprit que le peu d’études retrouvées à ce sujet sont généralement anciennes et il est possible que les chiffres aient augmenté ou diminué de nos jours.

Tableau 5 :
Pourcentage de l’intolérance au lactose selon les régions géographiques

Sources :
1. Michael de Vrese "Probiotics: Compensation for Lactase Insufficiency," American Journal of Clinical Nutrition, Feb., 2001
2. Nevin S. Scrimshaw "The Acceptability of Milk and Milk Products in Populations with a High Prevalence of Lactose Intolerance," American Journal of Clinical Nutrition, Oct., 1988
3. National Institute of Child Health and Human Development "Lactose Intolerance: Information for Health Care Providers," NIH Publication No. 05-5303B, Jan., 2006

En général, on estime le nombre de personnes intolérantes au lactose dans la population mondiale adulte à 2/3 (Vesa, T.H. et al., 2000; Solomons, N.W., 2002). Dans un article de Heyman de 2006 sur l’intolérance au lactose chez les enfants et adolescents, il est repris qu’approximativement 70% de la population mondiale souffre de déficience primaire en lactase (Heyman, M., 2006). Lomer et al. confirment ce chiffre (Lomer, M.C. et al., 2008). Selon Heyman, seulement 2 % de la population de l’Europe du Nord, où il y a une prédominance d’une alimentation riche en produits laitiers, présente une déficience en lactase primaire, ce qui est bien inférieur aux chiffres retrouvés dans le tableau ci-dessus. Au contraire, la prévalence d’une déficience primaire en lactase est, selon cet article, de 50 à 80% chez les Hispaniques, 60 à 80% chez les Noirs et les Juifs Ashkenazi, et de presque 100% chez les Asiatiques et les Indiens d’Amérique (Heyman, M., 2006).

Il semblerait que l’âge d’installation et sa prévalence diffèrent parmi différentes populations. Approximativement 20% des enfants Hispaniques, Asiatiques et Noirs âgés de moins de 5 ans ont une déficience en lactase et malabsorption en lactose.

Certaines études ont été retrouvées afin de confirmer ces chiffres.

Une étude chinoise de Yang de 2000 avait pour but de déterminer le métabolisme du lactose et l’activité lactasique chez des enfants chinois d’âge différent. 1200 enfants avaient été recrutés dans des écoles gardiennes, primaires et secondaires dans 4 villes chinoises et dont les parents étaient natifs de ces villes (début en septembre 1997).

Quatre-cents enfants étaient recrutés dans chaque groupe d’âge :
  • 3-4 ans ;
  • 7-8 ans ;
  • 11-13 ans.

Dans cette étude, la déficience en lactase apparaissait principalement à l’âge de 7-8 ans et était détectée grâce à un test à l’hydrogène à 25g de lactose. La déficience était quasi la même dans le groupe des 11-13 ans. Ces résultats démontrent que l’activité lactasique peut commencer à diminuer vers l’âge de 3 à 5 ans et que les enfants chinois montrent une diminution ou une non-persistance de la lactase vers 7-8 ans. Dans les 4 villes étudiées, une différence dans la prévalence de la déficience en lactase a pu être observée. Il semblerait que la prévalence de l’intolérance soit plus élevée dans les villes du Sud que dans les villes du Nord. Dans cette étude, 31% du nombre total de sujets dans la tranche d’âge des 7-13 ans souffraient d’intolérance au lactose. 64% des sujets intolérants au lactose n’avaient que de très faibles signes cliniques dont les flatulences. 30 % se plaignaient de gaz, diarrhées et crampes et semblaient tolérer difficilement les 25g. 6% avaient de sévères diarrhées, crampes ou avaient beaucoup de douleur. La distribution des symptômes était similaire à travers les différents groupes d’âge (Yang, Y. and He, M., 2000).

Une étude réalisée en Italie en 1984 démontre que, sur 308 adultes sains (208 du Nord de l’Italie et 100 du Sud), 51% des sujets du Nord étaient intolérants contre 71% des sujets du Sud. Ceci confirme la tolérance plus importante des sujets dans le Nord comparé à la population du Sud (Burgio, G. et al., 1984).

Dans une étude réalisée sur 101 enfants iraniens sains âgés de 7 à 12 ans, le taux de malabsorption du lactose était de 64% chez les 7-10 ans contre 100% chez les 11-12 ans. On ne sait cependant pas si le terme malabsorption est utilisé pour une maldigestion du lactose ou de ses composants (Sadre, M. and Ghassemi, H., 1981).

Une étude réalisée en 1976 était la première à comparer la tolérance au lactose entre une population d’enfants Mexicano-américains et Anglo-américains âgés de 2 à 14 ans. Un test de tolérance et un rappel de 24h ont été réalisés pour chaque enfant. La prévalence de la malabsorption au lactose était de 37% chez les enfants Mexicano-américains et de 8% chez les Anglo-américains (Woteki, C. et al., 1976).

Une étude réalisée en 1977 sur une population d’enfants noirs âgés de 1 à 5 ans a montré que, sur une population de 116 enfants, 29% ont été diagnostiqués en tant qu’intolérants à la suite d’un test à l’hydrogène. Des symptômes identiques à ceux des intolérants ont cependant été retrouvés chez 12% des personnes tolérant le lactose (selon le test à l’hydrogène) (Paige, D. et al., 1977).

Une étude récente a étudié la prévalence de l’intolérance au lactose au sein d’une population de 231 adultes russes (âgés de 17 à 26 ans). La consommation de LV et de lait fermenté était estimée à l’aide d’un questionnaire. Pour diagnostiquer une éventuelle hypolactasie, les chercheurs ont déterminé le génotype des sujets par PCR (Polymerase chain reaction : technique d’amplification de l’ADN) à partir d’échantillons sanguins. La prévalence d’hypolactasie (génotype C/C-13190) était de 35,6%. Il a également été observé que, parmi ces sujets, 61,3% ne consommaient pas de lait ; leur consommation de lait fermenté était identique à celle des sujets tolérants au lactose (Khabarova, Y.A. et al., 2009).

On peut constater lors de la lecture de ces études qu’il existe plusieurs facteurs déterminant la fréquence de cette intolérance.

Les causes de la fréquence de l'intolérance au lactose

Variabilité du pourcentage d’intolérance au lactose selon :
Le lieu géographique et l’ethnie. De même la situation géographique Nord – Sud semblerait avoir son importance (Rusynyk R. and Still C., 2001; Benkebil, F. and Roulet, M., 2007; Mainguet, P., 2000) ;
Les habitudes alimentaires : chaque ethnie ayant une culture différente, les habitudes alimentaires sont de même différentes. Le pourcentage d’intolérance est en relation avec l’utilisation de produits laitiers dans l’alimentation, elle-même variable selon la culture du pays et même des régions (Rusynyk R. and Still C., 2001; Yang, Y. and He, M., 2000) ;
L’âge : il est observé dans les différentes études reprises ci-dessus que, selon le type d’intolérance, le pourcentage de personnes atteintes augmente avec l’âge. Cependant, il semblerait que les recherches sur ce sujet ne sont pas satisfaisantes pour confirmer cette hypothèse (Vesa, T.H. et al., 2000; Mainguet, P., 2000; Lebeuf Y. et al., 2002; Kerber, M. et al., 2007) ;
Le sexe (Rusynyk R. and Still C., 2001) ;
La sélection génétique (Benkebil, F. and Roulet, M., 2007; Rasinpera, H. et al., 2004; Hogenauer, C. et al., 2005)(Benkebil, F. and Roulet, M., 2007; Rasinpera, H. et al., 2004; Hogenauer, C. et al., 2005).
   
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